Le rêve secret

Il y a quelque temps, j’ai répondu à un appel à projet du festival L’art et la psychiatrie, sur un thème peu banal : Se créer – secret. Quelques mots sur ce projet, l’un des plus intéressants que j’aie jamais faits.

Il a commencé par des rencontres absolument extraordinaires avec des personnes séjournant ou travaillant dans des cliniques psychiatriques du nord de la France. C’est à elles que je dédie ce projet.

Nous avons travaillé sur place ensemble et tous m’ont confié leurs rêves heureux, en les dessinant, en faisant des collages… Une semaine plus tard je revenais à Paris avec une valise de rêves… pour commencer à broder pour la première fois de ma vie.

Enfin, la deuxième phase de mon travail a commencé : la métamorphose de la matière éphémère du rêve en une pratique faisant partie d’une tradition extrêmement ancienne, épique.

J’ai promis à mes rêveurs que chacun de leurs rêves sera fixé sur un oreiller, réceptacle de ces visions secrètes.

J’ai compris que seulement la technique de broderie « non finie » serait légitime pour exprimer ces narrations incertaines.

La métaphore du fil comme incarnation de la mémoire, de la connexion, est puissante dans l’inconscient collectif.

Toutes les langues, le français, le russe, le grec ancien ou l’hébreu, nous transmettent ce rôle des mots liés à la broderie ou au tissage. La Grèce antique nous laisse des figures féminines héroïques et intemporelles comme Pénélope, Athéna, Ariane, Arachné ou les Parques, toutes tenant un fil, créant le tissu de notre existence et de notre mémoire.

Mais pas seulement !

Juliette Bataille, Marguerite Sirvins, Jeanne Tripier, Ofelia Valeiras et bien d’autres patients en psychiatrie du début du 20ème siècle brodaient jour et nuit leurs visions et leurs rêves sur des lambeaux de vieux linges de leurs hôpitaux.

Je leur dédie de même mon projet.

J’ajouterai que cette installation ne comprend aucun rêve ni dessin de moi. Toutes les broderies font écho aux dessins de ces personnes que je voyais pour la première fois de ma vie et qui m’ont confié leurs rêves.

Merci à mes rêveurs, merci à mes chers amis qui m’ont tant aidé pendant ces quatre mois de broderie non-stop!

Made on
Tilda